Mon séjour en Californie : entre beauté, modernité et archaïsme
En troisième année à Sciences Po, les étudiants ont la chance de partir à l’étranger pour une année d’échange, et ont le choix entre plus de 400 universités partenaires, et un très large éventail de destinations possibles.
Ce fut pourtant sans grande originalité pour les étudiants de Sciences Po que je décidai me rendre aux Etats-Unis pour cette année. Les raisons étaient multiples : perfectionner mon anglais pour devenir bilingue, se rendre dans une très bonne université et une ville-campus, et découvrir la culture américaine dans laquelle on baigne quotidiennement. Le choix de la Californie répondit aussi à un héliotropisme et une passion pour la NBA.
Le choix de Berkeley
Ainsi, je fis le choix de Berkeley, campus de l’Université de Californie, qui cochait toutes les cases : très bonne université récompensée chaque année par une belle place au classement de Shanghai, campus géant avec des infrastructures (facilities) qui rappelaient les séries américaines, non loin de San Francisco qui, en plus d’être une magnifique ville, accueille les Golden State Warriors.
Le plus impressionnant fut le campus. Situé dans une ville moyenne (Berkeley) dans la couronne de San Francisco, il n’est pas particulièrement charmant, mais il est doté d’infrastructures dont on n’aurait même pas idée en France : 16 terrains de tennis, 2 salles de sport tout équipées, 6 piscines dont une olympique, et autres qui laissent un goût de démesure.
Des paysages et des lieux magnifiques
Le territoire américain est magnifique, tout particulièrement l’Ouest, très propice à des road-trips. Avant de m’installer durablement dans l’une des nombreuses résidences étudiantes que compte Berkeley, j’entrepris avec ma famille un voyage dans la fameuse Vallée de la mort (Death Valley) où les températures estivales dépassent fréquemment les 50°C. Paysage de westerns, ou de cartes postales, l’Est de la Californie est aussi parsemé de ces canyons d’autant plus magnifiques qu’ils n’ont pas été façonnés par l’homme. C’est lorsque l’on se plonge dans les terres, même californiennes, que l’on découvre l’Amérique profonde, celle des bars à la culture western avec armes et grosses voitures proéminentes.
Concernant les villes, Los Angeles (à 7h de route de Berkeley) est assez laide, à de rares exceptions près. San Francisco est beaucoup plus charmante, avec des quartiers plus accueillants et chaleureux ; surtout, il est possible de s’y déplacer à pied. Le Golden Gate Bridge, mythique, n’est pourtant pas le lieu que j’appréciai le plus. Etaient davantage plaisants les parcs dans lesquels se rassemblent beaucoup de jeunes locaux (Dolores Park notamment) ou bien le littoral (d’Embarcadero à Fisherman’s Wharf), qui font le charme de la ville. Toute subjectivité et tout patriotisme mis à part, je dirais quand même que malgré tout son charme, San Francisco ne joue pas dans la même cour que Paris.
Le symbole de la modernité et de la haute technologie
Berkeley est au coeur de la Silicon Valley, cette zone si connue pour avoir enfanté les entreprises qui aujourd’hui dominent l’économie : Facebook, Google, Apple ou d’autres entreprises de haute technologie comme Tesla. De fait, Berkeley, comme Stanford sa rivale, baigne dans cette culture entrepreneuriale et de nouvelles technologies, au point que le vocabulaire des startups devint pour moi quotidien et naturel. Il ne m’arrive plus de tiquer lorsque j’entends venture-capital, private equity, scale-up, Ai, blockchain, business angels, incubator, LBO, KPI et autres mots barbares qui apparaissent à la plupart comme une langue étrangère, mais qui nous étaient rabâchés à longueur de discussions et de cours.
Le syndrome de la faillite de l’Etat
Le grand paradoxe de cette région est illustré par la dichotomie entre cette richesse et cette modernité technologique d’un côté (qui produit milliardaires et entreprises à succès), et l’extrême pauvreté et l’archaïsme de tout service public de l’autre. Alors même que sur le campus aux infrastructures démesurées se réunissaient des étudiants voués à un succès financier certain, ce même campus était bordé de sans-abris (homeless people) qui ne pouvaient y entrer sous peine d’en être chassés par la police municipale. Jamais dans ma vie avais-je vu un tel contraste qui, pourtant, n’était jamais un sujet de discussion. De la même manière, San Francisco est une ville pleine de sans-abris, que la police tente de déplacer d’un quartier à un autre, sans jamais régler un problème de fond.
Les transports en commun symbolisent cette défaillance de l’Etat. Lorsque je pris le train de Berkeley vers San José (ville la plus peuplée de la Baie, à environ 100kms), je mis près de 2h à arriver…et le train fonctionnait au gasoil. De même, le réseau de métro/RER (le BART) dont la municipalité de San Francisco se targue, est une vaste blague si on ne compare à ce que Paris ou Londres connaissent.
Ce n’est, à mon sens, qu’en comprenant ces contrastes que l’on peut comprendre les Etats-Unis d’aujourd’hui. Ce fut la plus grande richesse de ce voyage que de démystifier ce pays et encore plus la Silicon Valley que l’on nous présente comme lieu de paradis absolu.
Conclusion
En définitive, entre les paysages, les lieux, les voyages et surtout les rencontres, cette année fut pour moi extraordinaire. Elle me permit de découvrir une grande université et un pays sur lequel j’ai pu tirer beaucoup de matière à analyser. Comme la plupart de mes camarades de Sciences Po partis à l’étranger (et surtout aux Etats-Unis !), la découverte de la vie à l’étranger m’a fait encore plus aimer la France, ses paysages et sa culture.
Mon seul regret finalement est de ne pas avoir pu aller au terme d’une aventure qui était une chance qui ne se représentera peut-être pas pour moi. Mais j’en ressors satisfait, rassasié et la tête pleine d’expériences et de découvertes. »
Enzo Jaffré