L’artiste
Jotape (Juan-Pablo Gatica, #jotape), originaire de Valparaiso au Chili, architecte de formation, oriente sa carrière vers le muralisme, après l’obtention de son diplôme.
Le Muralisme
Cette pratique picturale sur un support mural, née au début du XXème siècle, est caractéristique du Mexique. Son influence s’est répandue plus largement en Amérique centrale et au Chili particulièrement. L’objectif de cette peinture est souvent narratif, pédagogique et engagé socialement.
C’est une pratique à différencier du graffiti, né plus tard, dans les années 1970 aux Etats-Unis, avec Keith Haring, JM. Basquiat, dont la pratique se caractérise par l’utilisation de peinture à la bombe mais dont le propos n’est pas forcément engagé ou narratif.
Le projet pour Dupuy de Lôme
Objectif : un projet interdisciplinaire Arts plastiques / Espagnol (Jotape, Pépino Crew, Mme N. Agarate Dupanier (Espagnol) et Mme K. Kerfridin (Arts plastiques)
Thème : Mémoire et Territoire
Les modalités : un travail de recherches plastiques sur le thème, ainsi que des connaissances approfondies en espagnol, autour du Chili, ont permis aux élèves de Terminale Spécialité Arts plastiques de proposer à Jotape plusieurs projets pour la fresque du lycée.
La fresque : L’artiste a imaginé une réponse plastique aux propositions des élèves.
– Une composition horizontale pour renforcer la forme architecturale existante.
– Une nature morte : Le genre de la « nature morte » en peinture est une forme de « momento mori » (en latin : « souviens-toi que tu vas mourir »), une première approche de la notion de mémoire. Plus particulièrement ici, elle nous remémore le temps où la langue bretonne a investi la langue française, il est donc bien question de mémoire et de territoire. C’est l’histoire de « Bara » « Gwin », le pain et le vin : Alors que les soldats bretons rejoignent les troupes françaises, leur langue reste incomprise. Ils réclament « bara » « gwin », pour obtenir à manger. Une formulation qui sera déformée pour obtenir le terme « baragouiner », s’exprimer de façon incompréhensible. Jotape a donc proposé ici une nature morte représentant une part de notre mémoire régionale qui fait désormais partie d’une histoire plus large. Pour compléter cette nature morte, une boussole nous invite à chercher notre chemin, dans ce parcours mémoriel, dans ce territoire.
– L’anneau cuivré et la lune sont des rappels du temps, l’anneau évoquant cette notion de façon plus graphique, épurée. Il est l’image de la circularité du temps, de sa caractéristique immuable, infinie.
– Le bateau échoué est une référence à un territoire plus proche de nous, le cimetière des bateaux de Lanester, lieu de mémoire de notre territoire.
– Au loin, la côte : d’abord pensée comme la représentation de la côte bretonne, elle prend finalement la forme d’un paysage maritime de Valparaiso, ville d’origine de l’artiste, entre mer et montagne, afin d’élargir encore notre perception du territoire, une forme de visibilité de la mondialisation en matière de pratique artistique. La peinture, plus largement, l’art, traverse les frontières.
– Les fleurs au premier plan : Dans certaines pratiques du muralisme, le symbolisme est très fort. Figures de la nature vivante, par opposition au second plan, elles rappellent sa présence indispensable ainsi que notre lien indéfectible avec elle.
Les fleurs occupent davantage que le premier plan, elles passent par-delà la surface de verre pour se rendre plus présente dans l’espace réel. En écho à la première fresque, elles sont toujours l’image de l’âme, de la nature, du vivant, de la présence humaine d’une certaine manière. Ici, les fleurs s’épanouissent en toute connaissance de leur mémoire commune, de leur territoire.
– Les tonalités de couleurs sont issues de la palette chère à Jotape, point perceptible au regard de la peinture réalisée l’an dernier, au pôle administratif. Elles révèlent un regard tendre sur notre mémoire et notre territoire, mais surtout, elles dégagent une atmosphère apaisante. Notre perception de l’espace architecturé a définitivement changé par le jeu des couleurs, celles du mur qui interagissent désormais avec celles du paysage tout au long des saisons.
– L’image au centre de la fresque est issue d’une résidence de l’artiste photographe B. Molins. Intégrer cette photographie a été un réel défi pour la réalisation de la fresque. La couleur du verre teinté tranche avec la peinture dans des teintes complémentaires, nous laissant entrevoir deux mondes radicalement différents. Sur ce mur, se confrontent deux univers, le monde réel traduit par la photographie, celle du jeune-homme lisant et l’autre, le monde symbolique, distancé de la réalité par le travail de représentation, le travail de peinture. Nous pouvons alors imaginer que la lecture du jeune homme est venue s’illustrer sur le mur qui l’entoure, telle une traduction picturale de l’imaginaire littéraire.