Introduction

La ville de Lorient est une cité portuaire dont la fondation et l’essor ont reposé sur la création et le développement de la compagnie perpétuelle des Indes fondée en 1664 par Jean-Baptiste Colbert. Cette dernière s’est enrichie grâce à son monopole commercial avec l’Asie.

Mais une partie de son succès économique a reposé sur la traite négrière et sur l’esclavage puisque cette compagnie possédait des plantations aux Mascareignes et avait des intérêts en Louisiane et à Saint-Domingue. Or, cet aspect de l’histoire est ignoré par la majorité de la population de la ville comme en témoigne chaque année la surprise des élèves à l’évocation de ce sujet en cours.

Une grande fresque sur le sujet a été réalisée en 2021 pour attirer l’attention des élèves. Il s’agit de la première étape d’un plus vaste projet.

Lorient, port d’attache de la Cie des Indes orientales

Nous avons représenté le départ d’un navire de la Cie des Indes orientales (vue sur l’île de Groix et sur Larmor) afin de rappeler que cette société, fondée en 1664 par Colbert, a choisi de s’installer dans la rade de ce qui deviendra plus tard la ville de Lorient.

Nous avons aussi ébauché le blason de la Cie des Indes et indiqué que Lorient fut le premier port négrier de France entre 1732 et 1735. En effet, à cette époque, la Cie des Indes, soutenue par le roi, possède le monopole de la traite négrière sur l’ensemble des côtes africaines. Par la suite, Lorient sera largement détrônée par Nantes et Bordeaux.

Enfin, nous avons précisé que la traite négrière représentait plus de 20% du chiffre d’affaires de la Cie des Indes.

 Carte des trajets des navires de la Cie

La carte réalisée permet de visualiser les différents trajets empruntés par les navires de la Cie des Indes. Au-delà du commerce triangulaire classique (Europe, Afrique et Amérique), les bateaux de la Cie avaient la particularité d’effectuer de nombreuses opérations de traite également dans l’océan Indien (Madagascar, Mascareignes et Inde).

Scène de vente en Afrique

En représentant deux personnages à la fois anonymes et identifiables à leurs vêtements et à leur couleur de peau, nous avons voulu insister sur le fait que la traite des esclaves n’a été rendue possible que grâce à l’implication de partenaires africains (rois, chefs, interprètes, marins).

En effet, même si la Cie des Indes possède quelques fortins sur la côte africaine, elle n’a ni les moyens, ni les connaissances pour effectuer des razzias et s’attaquer à de véritables royaumes.

Les captifs sont échangés contre des produits à forte valeur pour les Africains (objets métalliques, fusils, textiles, bijoux, cauries c’est-à-dire une monnaie de coquillages).

Départ du Duc de Noailles

Le Duc de Noailles est un navire emblématique de la Cie des Indes car il a effectué plusieurs campagnes de traite aussi bien dans l’océan Atlantique (vers les Antilles et la Louisiane) que dans l’océan Indien (vers Madagascar et les Mascaraignes) au XVIIIe siècle. On peut d’ailleurs retrouver toutes ses expéditions sur le site « Mémoire des hommes » du ministère des Armées.

Dans la cale d’un navire négrier

Nous avons fait le portrait d’un esclave de profil, enchaîné et assis dans un espace exigu pour montrer à la fois son dénuement et sa force physique. Ils ont ajouté l’inscription « 90 000 déportés » puisque les historiens estiment que cela correspond au nombre d’hommes, femmes et enfants achetés, transportés et revendus par les navires de la Cie des Indes durant le XVIIIe siècle.

Les dangers de la traversée

Outre les risques de révoltes, de tempêtes, l’équipage craignait surtout les épidémies à bord qui touchaient indifféremment les esclaves et les marins. Les maladies (typhus, diphtérie, scorbut…) inscrites sur un fond noir ont été repérées dans le livre de bord du capitaine…

Le débarquement dans les colonies

Après une traversée éprouvante qui durait plusieurs mois en fonction des destinations, les esclaves n’étaient pas directement débarqués dans les îles. Ils étaient lavés et mieux nourris afin d’être vendus à un meilleur prix. Les planteurs les achetaient alors en échange de leur production, ce qui représente un coût élevé.

La plantation

Les esclaves étaient ensuite envoyés dans des plantations dites « habitations ». En plaçant les champs au centre de leur dessin, les élèves ont voulu insister sur le fait que le but de la plantation est de produire du sucre, du café, du tabac ou du coton. Les cases des esclaves sont construites rudimentairement et éloignées de la demeure du maître.

 Le travail dans les plantations

Les esclaves sont employés dans les habitations essentiellement pour travailler dans les champs (esclaves de jardin) ou au moulin lors de la récolte de la canne à sucre. Leurs conditions de travail sont très dures car ils sont exploités toute la journée. On trouve également des esclaves qui servent de domestiques à la famille du maître (esclaves de case).

Le masque de torture

Nous avons été choqués par cette image que nous avions vue dans différentes gravures d’époque. Elle nous montrait à quel point les conditions de vie des esclaves étaient inhumaines. En réalité, l’objet représenté est un masque et un collier d’entrave métalliques dont le but est d’empêcher la fuite d’un esclave.

Torture

Les punitions infligées aux esclaves récalcitrants ou rebelles sont tellement horribles (frappés, suppliciés, estropiés, tués) que nous les avons comparées à de la torture. Les traces rouges sur le mot « Torture » et sur le fond noir représentent les coups de fouet du contremaître déchirant la peau d’un esclave.

 Le Code noir

A l’origine, le Code noir est un texte rédigé par Colbert en 1685 afin de réglementer le statut des esclaves, de les faire baptiser et peut-être de les protéger contre les excès de violence de leur maître.

Nous avons griffé le Code noir de traces de sang car ce texte, loin de limiter la violence des propriétaires, l’a en fait autorisée légalement et a permis le développement de l’esclavage dans les colonies alors qu’il était interdit sur le reste du territoire français.

La révolte

Contrairement à une idée reçue, les esclaves n’acceptaient pas leur situation et nombre d’entre eux tentaient de fuir, de se suicider ou de se révolter. Les colons craignaient ces révoltes car même s’ils étaient mieux armés, ils étaient beaucoup moins nombreux que les esclaves. Nous avons donc dessiné le début d’une révolte lorsque les esclaves mettaient le feu aux plantations.

L’action des esclaves dans l’abolition

Nous souhaitions mettre l’accent sur le rôle des esclaves dans la proclamation de l’abolition définitive de l’esclavage en France en 1848. Puisque la chaîne brisée est un symbole fréquent de la liberté retrouvée, nous l’avons utilisée en ajoutant les poings noirs et un fond rouge rappelant le sang versé pour l’obtenir.

 Solitude (vers 1772-1802)

Nous avons trouvé une figure d’esclave qui incarne la révolte de tous les esclaves. Pour s’être rebellée et avoir pris les armes contre les colons, Solitude, alors enceinte, est emprisonnée puis exécutée (après avoir donné naissance à son enfant).

A partir d’une gravure, nous l’avons représentée de profil, richement vêtue avec son nom en lettres dorées, afin de lui redonner toute sa dignité. Nous avons également choisi le bleu, le blanc et le rouge pour des raisons artistiques et parce que nous pouvons tous nous approprier son histoire.

Liberté

Le mot s’imposait pour terminer cette fresque et pour rappeler à tous que la liberté est un principe et une valeur essentielle qu’il faut toujours défendre. D’ailleurs malgré l’abolition définitive de l’esclavage, il existe encore aujourd’hui des cas d’esclavage moderne en France et dans le monde.

La balance

Nous avons voulu montrer que l’esclavage et la traite sont avant tout une question de profit et c’est pour cela que nous avons choisi le symbole de la balance et des lingots d’or. Le commerce des esclaves n’est pas motivé par la couleur de la peau mais par l’argent.

 Vérité

Nous voulions mettre en lumière un aspect parfois occulté du passé de la ville de Lorient sans qu’il puisse être contesté, donc tous les faits dessinés correspondent à la vérité. D’ailleurs nous avons cherché et trouvé nos informations (chiffres, dates, lieux) dans des archives (Archives Départementales du Morbihan et Service historique de la Marine) ou des travaux d’historiens reconnus.

Des noms pour se souvenir

Au-delà des chiffres, nous souhaitions rappeler que la traite négrière a bouleversé des êtres humains et nous voulions les rendre visibles en inscrivant leurs noms. Or, les noms que nous avons trouvés sur les listes des plantations ont été imposés par leurs maîtres (noms mythologiques, de jours, de saints, de lieux, de qualités…). C’est pourquoi nous avons décidé de les écrire tous à la suite sur une tête noire car leur identité restera inconnue.

Un grand merci à Alain Moreau à qui nous devons ce minutieux travail de transcription photographique.