Une minute de silence observée à 10h par la communauté scolaire
Il y a un an, le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, a été assassiné par un terroriste aux abords de son collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine.
Il est mort pour avoir enseigné et défendu, lors d’un cours d’enseignement moral et civique, les valeurs de la République, particulièrement la liberté d’expression dont nous sommes tous bénéficiaires.
En ce vendredi 15 octobre, veille du premier anniversaire de sa mort, et à la demande du Ministre de l’Education Nationale, nous saluerons sa mémoire en observant, tous ensemble, une minute de silence.
La Direction du lycée pour l’ensemble des personnels.
Maître Robert Badinter commémore la mémoire de Samuel Paty, héros de la laïcité
A travers Samuel Paty, nous célébrons ce qui, bien qu’essentiel, n’apparaît qu’entre les lignes des programmes…
La singularité de la parole de l’enseignant
Le maître ne parle pas comme un livre ; le maître est une présence concrète, qualitativement différente de ces présences abstraites et absentes que peuvent procurer les techniques audio-visuelles, si fort à la mode aujourd’hui. Le maître parle, mais la parole enseignante n’est pas seulement une parole devant la classe, elle est une parole dans, avec et pour la classe. Il ne s’agit donc pas d’exécuter plus ou moins brillamment un numéro oratoire, à l’usage d’un auditoire, d’un public plus ou moins approbateur. À vrai dire, le public de l’orateur ou du comédien a sa part dans la création d’éloquence ou de théâtre. Mais la classe est mieux qu’un public, dont la coopération se limite à un recueillement réceptif et à une approbation intermittente et contrôlée.
La parole du maître est une parole collective. Trente enfants sont dans l’attente ; une voix rompt le silence. Il ne s’agit pas ici de divertir, ou de passionner. L’auditeur est conquis d’avance ; il s’agit d’instruire, c’est-à-dire d’édifier.
Celui qui écoute la comédie ou la tragédie, la plaidoirie, la harangue ou le sermon, est un homme fait, à qui l’on s’adresse d’homme à homme. Le parleur professionnel, quelle que soit son obédience, utilise les ressources propres de son métier, les recettes techniques, mais ses auditeurs silencieux disposent des armes défensives de l’esprit critique. Ils ont le droit de dire non, de siffler ou de s’en aller. Le maître devant la classe se trouve dans la situation difficile de celui qui a toujours et nécessairement raison. Sa mission propre fait de lui le révélateur de la vérité. Pareille situation peut paraître privilégiée, à première vue, et confortable ; il est clair, en deuxième analyse, qu’elle est terriblement difficile, et proprement intenable.
Georges Gusdorf, Pourquoi des professeurs ?, chapitre 2, La fonction enseignante,1963
La défense de la liberté d’expression
Je suis pour la liberté illimitée, je la réclame pour moi et je tâche de la tolérer chez les autres. C’est pourquoi je ne veux pas qu’on touche à la liberté d’écrire. Si l’on touche au journal, on touchera au livre. Puis, toute restriction est grosse de menace, la serpe aiguisée contre l’ivraie va couper le blé.
Une lettre inédite d’Emile Zola, le 18 décembre 1897.
L’esprit critique et l’autonomie de la pensée
La tâche primordiale d’un professeur capable est d’apprendre à ses élèves à reconnaître qu’il y a des faits inconfortables, j’entends par là des faits qui sont désagréables à l’opinion personnelle d’un individu ; en effet il existe des faits extrêmement désagréables pour chaque opinion, y compris la mienne.
Max Weber, Le Savant et le politique, 1919